Réponse au CDP de la FNO du 15/12/2015

Suite au CDP de la FNO du 15/12/2015 réaffirmant son opposition à la Loi Santé, que vous pouvez retrouver ici http://www.fno.fr/actualites/la-fno-reaffirme-son-opposition-a-la-loi-de-sante/, plusieurs questions restent en suspens, et quelques éléments nous paraissant devoir être explicités, nous avons adressé un courrier à sa présidente, Mme Dehêtre, pendant les vacances de Noël.
Nous attendons toujours une réponse.
Ne sachant pas si elle viendra ou non, nous décidons aujourd'hui de vous communiquer le texte de ce courrier afin de vous informer de notre positionnement et de nos interrogations.


ORA a aussi besoin de recueillir vos réactions, et vos propres interrogations.
Nous souhaitons réfléchir et agir pour la profession, il est donc important pour nous de savoir si nous sommes effectivement seuls dans notre coin à nous interroger et nous inquiéter, seuls à avoir du mal à comprendre certains positionnements syndicaux (ou du moins ce que l'on peut en voir de l'extérieur), ou si d'autres orthophonistes partagent notre point de vue. Nous vous invitons à venir en parler sur le groupe FB ou à commenter ici.

Voici donc le texte du courrier.


Madame la Présidente,

 

Nous avons lu avec attention les quatre longues pages du dernier communiqué de presse de la FNO, visant à réaffirmer votre opposition à ce projet de loi dit de "modernisation" du système de santé, et expliciter votre ligne de conduite et la manière dont vous souhaitez le combattre.

 

En premier lieu, nous souhaitons vous remercier de vous exprimer enfin à ce sujet, car, ces derniers temps vos réactions se sont faites rares à ce propos, et ce silence devenait source de nombreuses interrogations. La FNO, avec l'intersyndicale, se sont concentrées, certes, sur un autre combat important pour la profession, obtenant quelques avancées prometteuses (cf CDP du 7/12). C'est une bonne chose et sur ce point nous ne pouvons que saluer votre action. Cependant, ce qui est en jeu avec cette "loi santé", qui a été définitivement adoptée voilà maintenant 5 jours, nous semble si colossal pour tous les orthophonistes, comme pour tous les soignants et les patients, que nous comprenons mal comment cela a pu sembler passer au second plan (en tous cas pour nous). 

Nous entendons bien les difficultés que vous évoquez dans la mise en oeuvre d'un plan de lutte dédié, nous vous remercions d'ailleurs également de les reconnaître dans ces lignes. Nous entendons moins bien un certain nombre d'arguments évoqués, certains passages de ce texte nous laissent même un peu tristes à dire vrai, voire mal à l'aise.

 

Dans les éléments ayant contribué à entraver votre action vous évoquez :

 

  1. Une "procédure complexe d’examen et d’adoption" avec des "possibilités de l’amender", qui auraient "en partie contribué à diluer les informations, les actions, les positions des organisations quant à ce projet de loi". Mais n'est-ce pas là pourtant une procédure tout à fait habituelle ? Combien de lois sont ainsi écrites, puis amendées, les amendements étant discutés, adoptés ou rejetés, puis réintégrés, au gré des navettes entre l'Assemblée Nationale et le Sénat ? Les informations ont circulé en temps réel sur les réseaux sociaux, le dossier était disponible en ligne avec toutes ses évolutions aussi en temps réel sur le site de l'Assemblée par exemple. Comme pour toutes les lois qui se votent.

  2. Le "piège des calendriers électoraux" (élections URPS, négociations conventionnelles "des uns et des autres"... peut-être aussi les élections régionales même si vous ne le mentionnez pas explicitement ?). Nous nous demandons en réalité ce que cela aurait pu changer si le calendrier avait été autre, d'autant plus que vous revendiquez dans ce texte une "parole libre", garantie par le fait de ne vivre que du soutien de vos adhérents (aucune subvention ?). Pourriez-vous expliciter en quoi les élections URPS ou les négociations conventionnelles entravent l'action syndicale ? De l'extérieur, à vrai dire, cela peut laisser le sentiment que le silence est parfois préféré à l'action pour éviter de froisser et ne pas se mettre dans une éventuelle mauvaise posture vis à vis de le partie adverse... comme une impression de marchandage et de complaisance. C'est dommage...

  3. L'impossibilité de vous associer à d'autres mouvements en cours actuellement pour ne pas renier vos valeurs, trahir celles de la profession, agir "au détriment des orthophonistes" en vous battant aux côtés de mouvements défendant des intérêts fort éloignés des vôtres, ou des nôtres (comprendre tous les orthophonistes ?). Vous parlez notamment de "récupération" dans "certaines professions de santé". Vous parlez encore de "défense médico-centrée", de "discours qui ne seraient pas en accord avec (certains) principes" comme la complémentarité des professions du soin, leur égale valeur dans le système, le principe de solidarité du système de soins avec un patient au centre des préoccupations, le maintien de la qualité des soins...
    Plusieurs remarques et questions sur ce point :
  • Il eût été instructif et plus correct de détailler certains de ces propos accusatoires. Sans citer l'accusé, on ne lui donne pas la possibilité de se défendre ou même de s'expliquer. Par ailleurs on ne donne pas la possibilité à ses interlocuteurs de vérifier par eux-mêmes de quoi il retourne exactement. Nous ne trouvons pas le procédé très sain ou très honnête. Si la "récupération" est un grief sommes toutes assez classique (on ne sait d'ailleurs pas de quelles professions de santé vous parlez), accuser des soignants quels qu'ils soient d'irresponsabilité, d'agir dans leur propre intérêt quitte à nuire à leurs patients, et détruire le système de solidarité de l'assurance maladie, c'est assez fort pour mériter d'être clairs et explicites...

  • Il eût été également intéressant d'expliciter en quoi les mouvements en cours et leurs actions se font au détriment des orthophonistes. Là encore c'est un peu trop flou pour être lisible.

  • Pour l'heure, nous n'avons vu aucun mouvement dénigrer les autres soignants, ni nier leur complémentarité, ou leur dénier leur nécessité dans le système ou leur valeur propre. Nous n'avons lu ça dans aucun discours. Pourriez-vous nous éclairer ?
  • Vous déplorez une défense médico-centrée, mais si seuls les médecins bougent massivement, cela ne paraît pas anormal. Les orthophonistes sont invisibles. Ils ne sont pas les seuls. D'où notre insistance à vous demander des réponses : que comptez-vous faire concrètement ? Rien dans ce CDP ne le laisse deviner.

  • Vous semblez dire par ailleurs qu'il n'y a aucune convergence possible avec les médecins, mais ils sont les piliers du système que cela vous plaise ou non. Il y a sans doute des incompréhensions mutuelles, des habitudes d'actions différentes et des divergences en raison de nos exercices spécifiques, mais quoi d'insurmontable ?

  • Vous vous appuyez sur les succès de mars pour justifier d'une participation active à ce combat. Oui c'était une réussite, mais nous sommes en décembre... Entre temps, nous avons vu passer une seule affiche contre cette loi, et illisible qui plus est, avec des éléments mis en avant accessibles aux seuls initiés qui peuvent donc lire entre les lignes. Un peu comme ce CDP en fin de compte... Aucun d'entre nous n'a pu placarder cette affiche dans nos salles d'attente ou de consultation.

  • Vous vous appuyez aussi sur les succès de la majorité de vos actions, pour nous indiquer implicitement que votre manière de procéder est bonne. Oui mais ces succès ne concernaient-ils pas que des combats internes à la profession ? Lutter de manière originale dans ce contexte était donc logique.

Nous ne croyons pas que l'on puisse, dans ce combat précis, nous permettre de continuer à défendre notre pré carré, de continuer à perpétuer les clivages là où il faudrait à notre sens rassembler pour réussir.

Vous souhaitez mettre en lumière les points de divergence. Nous aurions préféré que l'on insiste sur les points de convergence.

Pour nous c'est la condition nécessaire pour construire quelque chose en commun. Et construire en commun nous apparaît aujourd'hui comme incontournable, à l'heure où la Santé est mise à mal de toutes parts. Vous le dites, les soignants sont complémentaires, chacun a sa place, nous partageons absolument ce point de vue. A cette différence près peut-être que nous continuons de placer les médecins au centre du système. Nous voyons donc mal comment il est possible d'élaborer un nouveau système de santé plus juste, plus efficace, plus pérenne, qui respecterait les professionnels comme les patients, sans commencer par construire autour des points de convergence, et sans construire avec eux, en concertation. Nous nourrissons cette croyance intime que le dialogue et la communication ouverte permettent d'avancer et de trouver des solutions à toutes les entraves. Nous ne doutons pas que vous continuez à dialoguer avec les autres professions, mais les lignes de ce communiqué de presse laissent une impression de repli sur soi, repli qui pourrait bien à terme nous être fatal.

 

Vous allez nous dire que nous sommes de grands naïfs. C'est peut-être vrai. Mais nous préférons la naïveté dans la poursuite de nos idéaux au cynisme du retrait déculpabilisé.

 

Vous n'êtes pas forcés d'écouter nos remarques. Après tout nous ne sommes personne, c'est vrai. Une poignée d'orthophonistes au milieu des autres. Une poignée de simples orthophonistes libéraux, ou salariés qui ont mal à leur métier et aux attentes de qui vous ne répondez plus. Et vous, vous êtes le seul syndicat représentatif de notre profession. Nous ne sommes rien, mais combien sommes-nous comme ça et combien qui se taisent ?

 

Dans l'attente de votre réponse, nous vous prions de recevoir, Madame la Présidente, l'expression de nos sentiments confraternels.

 


Les responsables d'ORA

Anne P., Orthophoniste
Cédric Stome, Orthophoniste
Clotilde Mandine, Orthophoniste
Corinne C., Orthophoniste
Marion Ribeyre, Orthophoniste 
Marion V., Orthophoniste

 

 


Ce texte a été rédigé le 22/12/2015. 
Dans le courrier ont été insérés une adresse de contact courrier, ainsi que l'adresse mail du collectif. Nous avons également inséré un lien vers le site pour qu'on puisse avoir une idée de qui nous sommes.
Il a été envoyé le lendemain.

Bien entendu, en cas de réponse, nous vous tiendrons informés.